Peter Wyssbrod

On peut s’accorder à distinguer grossièrement deux catégories d’art : la première attend de lui qu’il soit une échappatoire, qu’il nous divertisse, nous détourne de nos soucis, de la conscience du Temps qui, dans un bâillement indifférent, avale les jours ; la seconde catégorie attend, elle, de l’Art qu’il éclaire notre présence au monde, affronte son âpreté. L’art de Peter Wyssbrod prend place dans ce deuxième ensemble.

On peut, de même, distinguer deux types d’artistes : ceux qui appliquent avec un certain savoir-faire des recettes éprouvées et ceux qui ouvrent une brèche sur un univers singulier, sur un style qui leur est propre. Là encore, c’est dans le second type que l’on placera cet intellectuel biennois.

Dans le paysage désolé que nous offre un monde contemporain lisse et glacé, Peter Wyssbrod fait figure d’ange inactuel et tragique. Aux spectateurs avides d’émotions plastiques, avides d’une beauté qui donne à penser, Peter Wyssbrod donne des ailes.

Artiste emblématique de la scène helvétique et vigie de La Marmite, Peter Wyssbrod se forme d’abord comme graphiste à la Kunstgewerbeschule de Bienne (1954-58). Il commence en amateur par jouer La Dernière Bande de Beckett, puis il suit à Berne les cours de danse-théâtre d’Harald Kreuzberg et de pantomime d’Ernst Georg Böttger (1965-68). Il développe dès lors un univers créatif personnel bâti sur la vérité et la sobriété du jeu, l’autodérision et la déconstruction des conventions théâtrales. Ses réalisations les plus importantes sont des solos de pantomime, spectacles qu’il garde en répertoire. Avec Hommage au théâtre, qu’il donne d’abord au Festival Mime in bewegig à Utrecht (1979), il se montre inénarrable en chanteur lyrique raté et dit ensuite tout Shakespeare à lui seul en quelques phrases et gestes magnifiques de comédien qui sont autant de catastrophes poétiques. Il donne d’abord à la Kellerbühne am Müllertor de Saint-Gall son dernier opus, Entracte (1981), spectacle qui joue sur toutes sortes de fins, de crimes et sur la mort du théâtre, s’achevant avec la neige tombant sur la scène vide. Par ailleurs, il réalise aussi une installation-performance, Parc, à l’Exposition des plasticiens suisses 1980, à Bâle et met en scène à Bienne l’Histoire du Soldat de Charles Ferdinand Ramuz et Strawinsky (1992), où il tient les rôles du Lecteur et du Diable. Pour les quinze ans du Théâtre du Crochetan à Monthey, il réalise lors de la fête de l’Association des musiciens suisses Images, une performance scénographique avec quatuor à cordes (2004). Pour le cinéma, il est aussi l’interprète principal de La Voix de son oeil (1983), puis le soliste et coscénariste pour Peter Wyssbrod en direct dans nos studios (1984), deux réalisations de Frédéric Gonseth. En 1984, il tient le rôle principal dans Martha Dubronski de Beat Kuert et dans Schalltot de Fred van der Kooij. Il est Pestalozzi dans FRS: Das Kino der Nation de Christoph Kühn (1994) et joue dans Bienvenue en Suisse de Léa Fazer (2004).

Il poursuit aussi une activité de peintre abstrait, travail qu’il expose à Bienne. Il enseigne la pantomime au Conservatoire de Bienne. Il reçoit le prix culturel du journal Biel-Bienne (1979), le prix du meilleur comédien au Festival international de la performance d’acteur à Cannes en 1985 et le prix culturel de la Ville de Bienne (1985).
Source: Grädel, Jean: Peter Wyssbrod, in: Kotte, Andreas (Ed.): Dictionnaire du théâtre en Suisse, Chronos Verlag Zurich 2005

Il propose une conférence populaire le lundi 18 janvier 2021 à 20h à la Cuisine à Carouge.