Noemi Michel

Noémi Michel est maître assistante au Département de science politique de l’Université de Genève. Elle travaille sur les vécus et les mobilisations des minorités en démocratie, celles et ceux qui ne participent pas des normes établies par les dominants.

D’après le principe d’inclusion démocratique, chaque voix devrait compter. Or, au sein des démocraties occidentales, des inégalités persistent : certaines voix comptent moins que d’autres ou sont réduites au silence. Les minorités raciales et de genre, notamment, sont souvent incluses, mais pas réellement entendues au sein des différents espaces de débat et de prise de décision politiques.

Historiquement exclues, les femmes, les minorités sexuelles et de genre – ainsi que les individus non blancs – ont été progressivement inclus, à travers l’octroi de droits politiques – dans les différents espaces de discussion démocratique occidentale. Néanmoins, la voix de ces groupes est constamment réduite au silence dans les débats publics, même lorsque ces derniers affectent leur corps et leur bien-être. Ces phénomènes de silence et d’oubli touchent encore plus gravement ceux qui sont multiplement minorisés selon des axes de genre et de race, comme par exemple les femmes noires ou les minorités sexuelles de couleur. En somme, porter un corps marqué par la différence affecte l’audibilité politique. Pourtant, les liens entre corps et voix restent ignorés ou non systématisés dans la littérature politologique.

Adoptant une approche critique de la théorie politique et privilégiant la théorie féministe noire, les recherches de Noémi Michel tentent de comprendre la co-constitution du corps et de la voix politique afin de mieux comprendre la persistance de voix inégales au sein des démocraties. Sa recherche en cours pose deux questions interdépendantes. Premièrement, comment la production de la différence genrée et racialisée participe aussi de la production d’une voix politique inégale ? Ses recherches ont ainsi pour objectif de s’attaquer au travail conjoint de la race et du genre. Deuxièmement, qu’advient-il de la signification et des implications de l’inclusion démocratique lorsque nous prenons au sérieux la dimension incarnée de la voix politique. Noémi Michel examine également l’idéal de l’inclusion en tant que prétendu remède à l’égalisation des voix dans les démocraties.

Ces questions sont abordées par le biais d’un dialogue entre les travaux autour du corps et de la voix au sein de théories critiques de la démocratie, du genre, de la race et de la postcolonialité, l’accent étant mis sur la pensée féministe noire dont la valeur ajoutée réside dans la reconnaissance du travail de la dynamique du pouvoir selon le genre et la race.

En fin de compte, il s’agit de penser les politiques de la voix et du corps pour réinventer les conditions et les possibilités de la vie démocratique face aux inégalités historiques et structurelles. Il s’agit ainsi de contribuer aux débats entre les théoriciens politiques, les spécialistes des questions de genre et de race ainsi que les décideurs et les praticiens, préoccupés par les paradoxes des formes excluantes d’inclusion dans la démocratie.

Noemi Michel animera la conférence populaire Des voix inaudibles et oubliées en démocratie
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jeudi 27 février 2020 à 20h au Théâtre de Vidy à Lausanne. Modération : Antoine Chollet, lecture : Vincent Bonillo