Marie-José Malis a toujours aimé le théâtre, mais elle a d’abord réussi un parcours universitaire qui la mène de la rue d’Ulm à l’agrégation de Lettres modernes.
Lectrice et spectatrice assidue, notamment des mises en scène de Tadeusz Kantor, Klaus Michael Grüber et Antoine Vitez, c’est à travers l’enseignement du jeu et de la dramaturgie qu’elle peut affirmer son désir de théâtre.

En 1994, elle crée sa compagnie, La Llevantina, et monte ses premiers spectacles : répertoire classique ou contemporain, textes théoriques, scénarios de films, elle met en scène un théâtre « politique », dans le sens où il questionne à la fois la pensée et sa représentation. À travers les textes de Jean-Luc Godard, Elio Vittorini, Pier Paolo Pasolini, Robert Walser, Luigi Pirandello, Heinrich von Kleist, c’est un théâtre de partage qui est proposé, une invitation faite aux spectateurs à entendre des paroles fortes et riches sur le monde et ses « déchirures ».

Au moment d’intégrer le cercle de nos vigies, elle dirige le Théâtre de la Commune d’Aubervilliers.
Signalons l’une de ses initiatives remarquables : L’École des Actes – un lieu culturel et militant, une micro-institution expérimentale qui a ouvert ses portes dans le quartier de Fort d’Aubervilliers début 2017. Elle contribue à inscrire le théâtre dans le tempo de la ville, à réfléchir aux liens entre la population qui y vit et l’art qui s’invente. Elle est un lieu de rencontre entre des jeunesses qui ne se rencontrent pas ou trop peu : celle des quartiers populaires, celle des immigrants cherchant de nouveaux lieux ou vivre, celle des artistes et intellectuels – ces groupes étant évidemment non exclusifs les uns des autres.
Ces rencontres s’articulent dans le travail sur les langues (français, mais aussi soninké, bambara, peul, arabe, bengali, etc.), la philosophie et le droit, la pratique et la production artistique ; lors d’« Assemblées » qui ont inventé une méthode d’investigation construite sur la longue discussion à partir de l’expérience des participants, ouvrant à des hypothèses nouvelles sur des questions brulantes de la vie collective ici, et du monde.

Nous partageons avec Marie-José Malis la foi dans la capacité des institutions culturelles à offrir des « lieux de délibération populaire », des espaces de construction d’une « capacité populaire nouvelle ». Pour être le plus juste possible, souligne La Commune, il est apparu que l’art devait se mettre à « l’école de la vie des gens » ; que l’art, pour se renouveler, devait apprendre de la vie de celles et ceux qui composent la population multiple d’Aubervilliers et se détacher de la pensée actuelle, selon laquelle ce sont les gens qui doivent apprendre de l’art tel qu’il est.