Essayiste américaine, professeure émérite de littérature comparée à l’université de New York, Kristin Ross est spécialiste de la culture française. Ses travaux de recherche portent principalement sur la littérature et la culture françaises des XIXe et XXe siècles, la littérature caribéenne francophone, l’histoire urbaine et l’histoire révolutionnaire.

Elle établit des passerelles entre les registres de l’histoire et de la littérature mais aussi entre le passé et l’histoire contemporaine, par exemple entre la Nouvelle vague et les débuts de l’industrie automobile en France dans Rouler plus vite, laver plus blanc, ou les mouvements Indignados ou Occupy et La Commune de 1871 dans L’imaginaire de la Commune.
Elle étudie dans ce dernier ouvrage comment, malgré leur brièveté, les septante-deux jours de La Commune de Paris ont rayonné au-delà du champ politique, à travers les conceptions de l’art, de la littérature et de l’éducation mais aussi le monde du travail.

Cette relecture de l’histoire partant de l’imaginaire né d’un événement révolutionnaire déborde aussi tout nationalisme étroit. De fait, Ross repère les influences de La Commune chez le « poète-artiste » anglais William Morris et chez deux géographes anarchistes, le français Élisée Reclus et le russe Pierre Kropotkine. Elle estime notamment que, chacun à sa façon, ces personnages clés du XIXe siècle ont tous trois promu in vivo la possibilité d’un “luxe communal” (ambition culturelle des communards – auxquels le choix du nom de « La Marmite » renvoie) fait d’égalité dans l’abondance, à la différence du luxe bourgeois, insensé, gaspilleur et ostentatoire, incapable d’exister sans de multiples esclavages paysans, ouvriers et domestiques.
Notons que Ross est également l’une des introductrices de Rancière – un autre de nos parrains – dans le monde anglophone.

La Marmite est particulièrement fière du soutien symbolique de cette nouvelle marraine. Dans Rimbaud, la Commune de Paris et l’invention de l’histoire spatiale (2013), Kristin Ross écrit que « Rimbaud n’a pas l’intention de créer une culture sauvage, adolescente ou communarde. Il participe, au contraire, de l’articulation d’un rapport sauvage, adolescent ou communard à la culture. » A sa suite, La Marmite s’autorise à nommer rimbaldien ce rapport « sauvage, adolescent ou communard » qu’infuse une médiation culturelle plus soucieuse d’émancipation que de pédagogie. Et gageons qu’un tel rapport subversif – par refus de tenir l’établi pour naturel – et poétique – par une attention aiguë aux êtres et au monde – fait basculer l’esthétique dans l’éthique, dans le politique.