LES MURS DU LENDEMAIN
au Cairn Espace culturel de Meyrin

Le Cairn Espace culturel de Meyrin accueille du 7 au 29 mars l’exposition Les murs du lendemain de l’artiste-Ernest Pignon-Ernest.

En janvier 2020, le pionnier su street-art Ernest Pignon-Ernest a effectué une résidence artistique au Cairn de Meyrin, en compagnie de Lyonel Trouillot, écrivain, poète, romancier, intellectuel engagé de Port-au-Prince, acteur de la scène francophone mondiale. Ensemble, ils ont travaillé à une publication dédiée au chanteur Jean Ferrat, décédé il y a tout juste dix ans.

L’exposition  Les murs du lendemain présente les œuvres réalisées pendant cette résidence, ainsi que d’autres travaux de l’artiste. La projection d’un documentaire sera également l’occasion pour les visiteurs, de mieux connaître le parcours et les œuvres de l’artiste.

Ernest Pignon-Ernest est artiste à l’honneur de l’édition 2020 du Festival du film et forum international sur les droits humains de Genève (FIFDH).

Le Groupe Monte Verità visitera l’exposition et rencontrera Ernest Pignon-Ernest le 11 mars au Cairn.

©F.Mariotti

LES MURS DU LENDEMAIN

C’est la nuit que se font les choses du lendemain. Le pain. Le rêve. Le mur même. Et les taches qui, sans le recouvrir, donneront des yeux à cette force aveugle dressée entre les hommes.
Si ce n’est pas de l’affichage au sens vulgaire du terme, les artistes, les grands, auront couvert les murs du monde du rouge du sang ou du fruit mûr, de la grisaille des jours sans, d’une espérance d’un jour futur, « un jour d’épaule nue où les gens s’aimeront ».
C’est dans cette nuit du monde, en grimpant au-dessus des murs horribles du présent et du passé, ou se glissant en-dessous, avec l’aide des artistes qu’il dessine, tels qu’il les voit et les aime, qu’Ernest Pignon-Ernest a jeté des trous de lumière. Y traçant, de lignes et de couleurs ce qu’Eluard appelait « une mémoire pour l’avenir ».
Le mur vu par Ernest est un miroir percé où des visages blessés parlent quand même d’espoir.

Texte inédit de Lyonel Trouillot
Poète et écrivain

Ernest Pignon-Ernest est né à Nice. Il vit et travaille à Paris. Il est représenté par la galerie Lelong. Paris.
Depuis les années 1960, et avec quelques décennies d’avance sur toutes les formes désormais répertoriées comme « art de la rue », Ernest Pignon-Ernest a mené avec une stupéfiante disponibilité, une aventure sans autre exemple, qui conjugue maîtrise technique, probité existentielle et faculté d’habiter poétiquement le monde.
Son parcours réussit le rare prodige de concilier une exigence éthique, sans concession ni reniement, avec une expression artistique singulière, exigeante et novatrice. Au point que certaines de ses images (les fusillés de la Commune et son Rimbaud vagabond notamment) reproduites à des centaines de milliers d’exemplaires, sont devenues les véritables icônes des temps modernes.
Par la facture puissante et comme intemporelle de ses images, par l’acuité de leur inscription dans le réel, les interventions d’Ernest Pignon-Ernest font de la rue un espace plastique, poétique, fictionnel, réminiscent, font des lieux et du temps, l’œuvre même, leur conférant le caractère de ready-made sans passer par la case musée.
Du Chili à Soweto, d’Alger à Naples, de la Palestine de Mahmoud Darwich à la place d’Ostie où Pasolini fut assassiné, de l’avortement à l’exclusion, du sida à l’immigration, chez Ernest Pignon-Ernest la confrontation aux drames de notre temps comme l’exploration de destins individuels en rupture de norme ou de mythes à raviver, impose de prendre à chaque fois un risque inédit, celui-là même qui hantait Rimbaud quand il s’acharnait à trouver le lieu et la formule. Désormais, c’est plus de 60 années de création qui s’explorent et s’imposent à travers plusieurs dizaines de livres et des milliers d’illustrations qui se changent aussitôt en autant de témoins irremplaçables d’une entreprise qui n’a cessé de conjuguer l’éphémère à l’exact présent de la mémoire des lieux.

Lyonel Trouillot, né à Port-au-Prince en 1956, effectue des études de droit, avant de se tourner vers la littérature qui le fascine depuis l’enfance. Il collabore à différents journaux et revues d’Haïti et de la diaspora, écrit des textes critiques, des poèmes, des chansons, ainsi qu’une œuvre romanesque de premier ordre. Yanvalou pour Charlie (2009), La Belle Amour Humaine (2011), Parabole du failli (2013), plus récemment Ne m’appelle pas Capitaine (2018), tous publiés en France chez Actes Sud, ont contribué à faire de cet écrivain, qui a fait le choix de ne pas quitter Haïti, l’une des grandes voix de la littérature francophone. La poésie, écrite en français ou en créole, ne lui est pas non plus étrangère : on lui doit l’Anthropologie bilingue de la poésie créole haïtienne de 1986 à nos jours (Actes Sud, 2015, ainsi que le recueil C’est avec mains qu’on fait chansons (Le Temps des Cerises, 2015). Depuis onze ans, Lyonel Trouillot anime également l’atelier Jeudi Soir, qui propose des ateliers d’écriture et réédite des ouvrages haïtiens publiés à l’étranger, contribuant ainsi au rayonnement culturel de son pays. Il a créé en 1994 les Vendredis Littéraires, rencontre hebdomadaire ouverte au public, qu’il dirige encore aujourd’hui.