We’re pretty fuckin’ far from okay de Lisbeth Gruwez

La peur est un corps humain dans sa forme la plus intuitive, la peur est un corps en transe. Les changements physiologiques concrets que subit le corps constituent pour Lisbeth Gruwez l’amorce de We’re pretty fuckin’ far from okay, la troisième performance de son triptyque sur le corps extatique (après les spectacles It’s going to get worse… et AH/HA.)
 La peur n’est pas une construction culturelle, mais une réaction que notre évolution a profondément ancré dans nos gènes. La peur est directement liée à notre pulsion de survie. Avant même que nous en soyons conscients, notre corps réagit d’une manière drastique. Notre pouls et notre respiration s’accélèrent, nous commençons à transpirer et à trembler. Le corps se prépare pour une décision importante : combattre, fuir ou se figer ?
 Ce sont ces réflexes physiques, et surtout leur impact sur la respiration, que Lisbeth Gruwez passe au crible dans We’re pretty fuckin’ far from okay. Les problèmes respiratoires peuvent déclencher un accès de panique, tandis qu’une respiration adéquate diminue l’oppression, voire la surmonte. Le mouvement de la respiration, source de feedback interne pour la tension et la contraction, le repos et la croissance – tant dans le corps qu’en relation avec l’environnement externe : c’est sur cette corde raide que balance le spectacle, entre retenue et délivrance. Lisbeth Gruwez et Nicolas Vladislav veulent influer sur leur public et le rendre conscient de la dynamique de sa propre respiration. Maarten Van Cauwenberghe, designer sonore, utilise le souffle des performeurs pour créer un collage sonore qui dialogue avec leur corps. Son soundscape génère une tension, il dirige le mouvement et conduit aussi à la contemplation.
Au début du XXIe siècle, on a déclaré que nous vivions dans une « culture de la peur », dans un « état de crise » permanent. We’re pretty fuckin’ far from okay n’offre pas une approche sociologique de la peur dans notre société, il montre ce que l’exposition prolongée au stress inflige à notre corps.

Lisbeth Gruwez
Après une formation classique à Anvers puis contemporaine à PARTS, Bruxelles, Lisbeth Gruwez intègre Ultima Vez, la compagnie de Wim Vandekeybus. En 1999, on la retrouve chez Jan Fabre où elle travaille plusieurs années, mais aussi chez Jan Lauwers ou encore dans Foi de Sidi Larbi Cherkaoui. Avec Maarten Van Cauwenberghe, elle fonde Voetvolk en 2006. L’année suivante, ils créent leur premier spectacle Forever Overhead. Suivent de nombreux projets : elle danse avec Melanie Lane dans i!2, une création de Arco Renz, tourne dans Lost Persons Area (2010) un film de Caroline Strubbe, crée son premier groupe de performance HeroNeroZero entre autre, avant d’initier en 2011, It’s going to get worse and worse and worse, my friend. Suivront AH/HA (2014) et Lisbeth Gruwez dances Bob Dylan (2015).

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