RENCONTRE DU 6 OCTOBRE 2016

Retour en groupe sur la pièce La Boucherie de Job, Comédie de Genève

Après une nuit de digestion. On a envie d’en parler. Ça nous trotte dans la tête. On en parle en petit comité. On raconte la pièce à notre voisine, besoin d’en parler. Puis on en parle, tous ensemble.
Le décor est simple mais tellement efficace.Ça nous a plu. C’était fluide, pas si long, pas si ennuyant. Ça nous parle. Les facettes de l’être humain sont bien représentées dans toute sa complexité, de la cupidité à la bonté et bien plus encore (humour, relation, famille, amour, sexualité, maladie, économie, violence). On s’y retrouve, c’est intéressant mais parfois c’en est presque trop.
Dès le début, la première scène annonce la couleur. Mais ça, on le comprend après. On spécule, on joue, on gagne et on perd. On mise sur du « rien ». L’injustice est partout. Tous les personnages passent à plusieurs reprises et de façons différentes par cette expérience. Ce qui est juste pour l’un, est injuste pour l’autre. Les expériences d’injustice se reproduisent, elles prolifèrent malgré la bonne volonté des personnages.
Parfois il est plus facile de fermer les yeux pour ne plus voir. C’est l’effet miroir, certaines scènes reflètent nos vies. On est mis à nu, même si on est pudique. Beaucoup d’émotions, parfois c’est très dur, comme un coup de poignard. La scène de la boucherie, on est à l’apogée de l’injustice. Un vrai massacre, de la violence, beaucoup de sang versé, c’est tellement injuste. Pourquoi ça leur arrive ? Ils voulaient simplement être heureux !
C’est le pouvoir de l’argent. La recherche du gain à tout prix, quitte à écraser les autres. C’est la société, le système économique qui veut ça. Le livre de comptes, c’est la nouvelle bible qui régit le monde. On privilégie l’aspect économique plutôt qu’humain. A nouveau, il y a un gagnant et un perdant. La spéculation. C’est détaché du réel ! On n’y comprend rien. Mais le résultat reste le même, c’est la faillite. A la fois finalité et fatalité.
On y met tout son espoir, toute son énergie, on y consacre sa vie, puis c’est la chute. On perd tout ce qu’on a peiné à construire, son gagne-pain, sa famille, ses valeurs, sa foi.
Ou peut être que c’est simplement la peur qui les pousse à agir comme ça. Il ne faut pas les juger. En pensant faire du bien, on peut faire du mal. Rien n’est tout blanc, rien n’est tout noir.
Mais alors à la fin, sont-ils tous morts ? Sont-ils vivants ? Peut-être sont-ils des revenants. La fin reste floue, insaisissable. Ce n’est peut-être pas une fin mais une ouverture.
On voudrait pouvoir revenir sur certaines scènes, sur certains dialogues. Relire ce fameux monologue qui nous a tellement touchés. On aurait dû acheter le livre à la sortie. Peut-être il n’est pas trop tard pour l’acquérir. On va se renseigner. Ca serait bien de l’avoir.
On se rappelle de l’affiche. Drôle de choix. Elle ne donne pas envie d’aller voir la pièce. Pourtant on ne regrette pas d’être venus, en groupe avant tout.

Alice Izzo (pour la restitution)

COMEDIE1

Avant la rencontre
La réjouissance de pouvoir exercer mon beau métier de médiateur culturel dans un cadre enfin à sa grande mesure ! Un beau parcours, des oeuvres à la fois multiples dans leur forme et profondes de sens. A mettre en relation avec un public hétérogène mais constitué, non initié mais curieux, pour un temps long – enfin – et une thématique centrale, l’expérience de l’injustice, qui nous place devant une nécessité, celle d’interroger le monde, « nous dedans ».
En un mot, l’impression d’avoir le plus joyeux des outils et comme une mission à accomplir.
Dans le même temps, un malaise diffus et persistant. Quoi ? Je pense d’abord au trac, naturel à l’anticipation d’une rencontre. Mais à y regarder de plus près, c’est autre chose. La mission justement. Qui suis-je pour aller apporter ma science et ma culture à qui n’en aurait pas ? Quelle prétention ! En fait, me voilà réalisant que j’ai toujours pratiqué (notamment dans les salles d’exposition du Théâtre Forum Meyrin ou au CAIRN) en recevant « à domicile » un public questionnant. Et que cette simple inversion – moi allant chez le « public » – me transforme en sorte de « colon » apportant savoir et lumières.
Je caricature à dessein mais je retrouve ce doute lors de la première rencontre avec Jérôme Meizoz, écrivain et complice de cette aventure, quelques minutes avant de rencontrer notre groupe : l’envie qu’il a de s’excuser d’être artiste ou du moins d’abolir la distance que ce titre savant risque d’imposer.
Il n’est vraiment pas pareil d’entendre « racontez-moi » que d’aller et dire « écoutez-moi ».
Et ce d’autant plus que cela semble en contradiction manifeste avec le 1er but recherché : la reprise de pouvoir par un public précarisé. Fâcheuse posture. Comment être ?

Allons-y, la rencontre (23 septembre 2016)
Le seuil passé, la simplicité d’un seul mot l’emporte. Ensemble.
Un très bel accueil, chaleureux et généreux, de la solennité et un peu de gravité dans les mots de bienvenue qui ont été préparés et qui nous sont adressés. Un tour de table. Beaucoup de sérieux, dans le meilleur sens du terme, s’écouter, se dire, est chose sérieuse. Des envies, quelques peurs, des maladresses, de la pudeur. Et des grands rires autour d’une belle table.
Tous dans la même Marmite. Nous ferons ce parcours ensemble. Tour à tour naïfs et savants pour le plaisir de débattre, d’écouter et d’apprendre.

Après la rencontre.
Quelques sujets de méditation donc.
La culpabilité de celui qui a face à celui qui n’a pas. Pourquoi la porter ?
L’orgueil de celui qui croit savoir face à celui… qui sait tout autant !
Le jeu des classes, la lutte des classes, la violence des classes.
La différence et l’égalité.
Et une jolie aventure pour prolonger toutes ces réflexions, ensemble.

Jean-Luc Riesen