Séance du 12 janvier 2017 – Visite de l’Alimentarium de Vevey
Visite préparatoire en solitaire (10 janvier 2017):
Notre prochaine sortie approche à grands pas ; en cette prochaine rencontre nous irons visiter l’Alimentarium de Vevey. Jean-Luc, mon collègue médiateur et désormais ami, ne pourra pas être présent pour cette sortie. Il me faudra préparer cette visite en solo. Je décide donc de prendre le train pour me rendre à Vevey et découvrir ce musée dont j’ignore tout.
J’arrive devant ce majestueux musée faisant face au lac. J’admire la vue puis me décide à entrer. L’expo est organisée en trois secteur : Aliment « Qu’est-ce que je mange » ; Société « Comment je mange » ; Corps « Comment je perçois ce que je mange ? Pourquoi je mange ? Quel impact ont mes choix sur ma santé ? ».
Je me promène, je passe de salle en salle. J’analyse et essaie d’imaginer quel type de propos je pourrais formuler pour notre visite en groupe. Je réfléchis comment rattacher un discours à ce qui m’est présenté. Je peine, j’aurais voulu que Jean-Luc soit avec moi. Echanger avec lui sur ce que j’ai devant les yeux.
Le musée est magnifique, à peine remis à neuf ; on peut voir qu’ils n’ont pas lésiné sur les moyens. Mais quelque chose en moi me dérange profondément. J’ai visité l’exposition en gardant en tête le fil rouge de notre parcours : le sentiment d’injustice.
Durant cette visite j’en ai fait l’expérience. Tout est traité de manière superficielle et cela au prix de grandes réductions, simplifications. Le pire, peut-être, tient aux omissions : pas un mot n’est dit sur la famine, la répartition inégale des ressources dans le monde, la privatisation des ressources, les conditions d’élevage, les cultures intensives, l’usage de pesticides, d’OGM, sans traiter bien sûr de leur impact sur l’environnement, etc.
Je n’ai pas d’autre choix, il me faudra discuter avec le groupe non pas de ce que le musée montre mais au contraire de ce qu’il cache, ce qu’il omet de dire.
Sur le trajet du retour, confortablement installée dans mon train, je me pose tout une série de questions. Pourquoi avoir choisi ce musée en particulier dans la programmation de notre parcours ?
La raison la plus évidente semble se rattacher au nom de notre groupe Jeanne des abattoirs, de plus nous sommes allés voir la pièce La Boucherie de Job à la Comédie de Genève donc aller voir un musée sur l’alimentation, ça a du sens. Mais je me pose surtout la question de savoir si Mathieu l’avait-il visité au préalable ? Etait-il au courant des drôles de choix « pédagogiques » que ce musée offre ? Je lui poserai la question.

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Visite en groupe (12 janvier 2017):
Aujourd’hui pour la première fois durant notre parcours, nous quittons le territoire genevois. On se donne rendez-vous à la maison Joseph. Cathy a gentiment proposé de mettre à disposition le mini bus d’ATD Quart Monde. Elle sera même notre chauffeur ! Nous nous installons dans le bus, on se croirait partant en vacances. Jérôme, qui vit sur Lausanne, nous rejoindra directement en train à Vevey.
Durant le trajet, on me demande si je me suis déjà rendu à l’Alimentarium. Réponse positive ; j’explique qu’il m’a fallu préparer cette sortie. On me demande alors si j’ai apprécié le musée.
J’essaie de rester vague, je réponds simplement que le musée appartient au groupe Nestlé et que ça se voit.
Nous retrouvons Jérôme devant le musée. Une fois à l’intérieur, je propose au groupe de leur faire une petite visite guidée. L’idée serait de visiter l’exposition en optant pour un regard critique et en gardant en tête la thématique de notre parcours « l’expérience de l’injustice » en la mettant en lien avec l’alimentation.
Nous entrons dans la première salle. Elle nous plonge dans une nature idyllique. Entourés de projections interactives, nous contemplons la formation accélérée des aliments – de leur développement à leur conditionnement. Nous regardons bouche bée une graine de moutarde se transformer en un tube Thomy, sans transition, comme par magie. Qu’est-ce qu’on rigole ! Nous sommes tous d’accord, c’est n’importe quoi !
Nous continuons la visite, on récolte des informations intéressantes, on se balade, on s’arrête jouer aux bornes interactives mais surtout on soulève les problèmes sociaux et environnementaux liés à l’alimentation absents de l’offre pédagogique du musée.

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On en discute tous ensemble, on rigole de ce musée de propagande Nestlé et, parfois, on se révolte.
L’alimentation nous concerne tous ! Nous cuisinons, nous fréquentons des supermarchés, nous sommes soumis à l’agressivité de la publicité et aux recommandations de santé publique. En achetant de la nourriture, on pose des choix. On privilégie certains modes de production, de transformation et de distribution alimentaire, qui ont un impact direct sur l’environnement, la société et notre santé. On en conclut que nous ne sommes pas égaux face à l’alimentation et qu’il est grave que ce musée n’en dise rien.
Une fois l’exposition parcourue en long et en large, nous quittons le musée. Les remarques fusent de tous les côtés. Le besoin se fait ressentir de discuter à chaud de ce que l’on a vu et pensé de cette exposition. Nous nous installons dans un petit café afin de pouvoir en traiter tous ensemble. Place au tour de table, l’un après l’autre nous partageons notre opinion au reste du groupe.

Ce musée nous pose problème. Impossible de rester dans le silence ; en parler ensemble nous fait du bien mais il nous faut passer à l’acte, agir en tant que citoyen. Il est grand temps de se faire entendre. C’est décidé, nous allons rédiger une lettre à l’attention de l’Alimentarium !
Alice Izzo