La Ferme des animaux
de John Halas et Joy Batchelor

Quelques années avant le légendaire 1984, l’écrivain anglais Georges Orwell (1903-1950) publie La Ferme des animaux (Animal Farm), précisément en 1945, l’année même où il forge l’expression « Guerre froide », avec le succès que l’on sait. Cet apologue vif et acéré est un roman à clefs qui restitue la révolution bolchevique et son dévoiement mortifère, stalinisme oblige!

Neuf ans plus tard, sa fable se métamorphose en un remarquable dessin animé aux rondeurs disneyennes trompeuses. Elle est portée à l’écran par un couple qui a marqué l’histoire du cinéma d’animation britannique, John Halas, un immigré hongrois, et la Britannique Joy Batchelor. Après s’être rencontrés en 1936, Halas et Batchelor ont fondé un studio où ils produiront sur près de cinq décennies deux milles courts-métrages, dont moult films de propagande durant la Seconde Guerre mondiale.

A l’époque, La Ferme des animaux est considéré comme le premier long-métrage d’animation destiné à un public adulte en regard de son propos et de son atmosphère sombre et très peu jouasse. Aujourd’hui, il est estimé à juste titre comme l’un des rares films politiques digne d’être vu par de jeunes spectateurs.

Un soir, à la ferme du Manoir, les animaux excédés par le traitement que leur inflige leur fermier cruel et alcoolique décident de prendre le pouvoir. Sous la houlette des cochons, les bêtes font donc la révolution, décidés à assurer eux-mêmes la gestion de l’établissement, avec en guise de frontispice fondateur ce commandement: « Tous les animaux sont égaux! ». Las, les cochons ne tardent pas à reproduire les comportements totalitaires des humains vis-à-vis de leurs congénères. Partant, l’article fondateur est légèrement modifié en un funeste « Tous les animaux sont égaux, mais certains le sont plus que d’autres ».

A la fin du film Halas et Batchelor commettent une infidélité notoire au roman amer d’Orwell en se faisant soulever derechef le prolétariat animal qui boutent les cochons hors de la ferme. A les entendre, il s’agissait de garder un brin d’espoir. Des esprits chagrins y ont vu la patte de la CIA qui aurait commandité ce film en sous-main, histoire d’en faire un film de propagande très utile en pleine Guerre froide.

Vincent Adatte

Grande-Bretagne, 1954, couleur, 1h13.

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Projection gratuite mercredi 26 février 2020 à 20h au Zinéma (rue du Maupas 4 à Lausanne)