RENCONTRE DU 4 FEVRIER : Visite de la collection de l’Art Brut (Lausanne), du studio de Fabrice Aragno et discussion au sujet de la création collective.

Collection de l’Art Brut
Pour la première rencontre de 2017, le groupe Char se retrouve pour une excursion lausannoise. C’est un cortège de vestes de pluie et de parapluies qui se sont donnés rendez-vous sur la voie 4 de la gare de Genève, en ce samedi matin de février.
Avant l’ouverture de la collection de l’Art Brut, nous trouvons refuge dans un petit café, où nous parvenons tout juste à faire entrer la poussette deux places des enfants d’une participante qui nous accompagnent pour la journée. Le groupe a visiblement du plaisir à se retrouver et à échanger autour d’un café.
La visite débute par des informations générales, à l’étage du musée, dans un long canapé noir et confortable. La collection de l’Art Brut ouvre en 1976 et abrite les œuvres collectées, dès 1945, par le peintre français Jean Dubuffet. Dubuffet souhaitait s’affranchir du conditionnement culturel et du formatage des écoles d’art. Il était en quête d’une « source sauvage créatrice », d’une expression artistique directe et authentique. Les artistes qui correspondent à sa définition de l’art brut sont : autodidactes, marginaux, ne se revendiquent pas artistes, créent généralement en cachette avec des matériaux de récupération et avec peu de moyens financiers.
La visite guidée nous fait ensuite découvrir 3 œuvres majeures de la collection :
La robe de mariée de Marguerite Sir, qu’elle a créée lors de son internement en hôpital psychiatrique. Avec les fils des draps de son lit, elle crée pendant cinq ans une robe de mariée destinée au jour de ses noces imaginaires.
Vengo-sull-tribuna presto du « prisonnier de Bâle », Joseph Giavarini de son vrai nom. Emprisonné pour crime passionnel pendant 6 ans, il confectionne des groupes de figurines avec de la mie de pain. L’ensemble représente un cirque et une fanfare insolite.
Sculpture en bois d’Emile Ratier, qu’il confectionne au moment où il a perdu la vue. Ses sculptures sont animées de manivelles et de mécanismes sonores et elles représentent la tour Eiffel, l’arc de triomphe et contiennent des objets guerriers, tels que des canons.

La visite se conclut par une trentaine de minute de visite libre où chacun déambule à son rythme dans la collection. Fabrice Aragno nous accompagne pendant toute la visite avec sa caméra et son micro.

Studio de Fabrice Aragno – création collective
Pour rejoindre le studio du cinéaste Fabrice Aragno, nous entamons une descente des pentes lausannoises, sous la pluie.
Nous partageons un succulent repas canadien, dans un décor industriel. Au moment du dessert et des cafés, nous informons les participantes que la création collective du groupe Char sera accueillie dans le foyer et le bar de la Comédie.
Pour rester dans l’image de la Marmite qui se remplit au fur et à mesure, Fabrice Aragno propose, en effet, de créer une installation multimédia. Ce dispositif sera constitué des sons, enregistrements, images, objets, vidéos, etc. qu’il a captés durant le parcours du groupe Char, ainsi que des apports des participantes sur la thématique de l’Humanité de l’être humain. Ce sera à la fois un témoignage du parcours et des échanges qui ont eu lieu dans le groupe et une création collective, la 5ème œuvre du parcours.
Le dispositif multimédia qui fonctionne en mode aléatoire sera installé dans divers endroits du foyer et du bar de La Comédie et mis en marche tous les jours, du 15 mars au 12 avril 2017.
Fabrice Aragno organise pour le groupe une séance de cinéma un peu particulière pour découvrir le dispositif multimédia ainsi que des images et des sons collectés jusque là. Le projet se concrétise et l’enthousiasme du groupe est palpable.
En petits groupes, nous parlons ensuite de ce que chacune souhaite encore ajouter à la création collective : des photos de pierres, d’arbres, des dessins, des chansons, des poèmes, un texte, une danse, un extrait de film, un enregistrement sonore.
Les participantes évoquent le désir de témoigner de la solidarité et du lien qui s’est créé dans le groupe Char. Une date supplémentaire est fixée pour créer quelque chose ensemble. Diverses idées sont évoquées pour témoigner de ce lien qui s’est tissé au fil des rencontres, des expériences vécues et des émotions partagées. Pour représenter cette solidarité féminine, une participante – inspirée par la robe de Marguerite Sir – propose d’amener des robes et des tissus sur lesquels projeter le film.
Le vernissage de l’installation du groupe Char aura lieu le 15 mars 2017, à 18h dans le foyer de la Comédie.
Florence Savioz & Iris Meierhans

RENCONTRE DU 22 FEVRIER : Soirée de réflexion sur la création collective
Le groupe se retrouve en fin de journée dans les locaux de Solidarité Femmes pour approfondir les idées de création collective autour de la thématique de « l’humanité de l’être humain ». Les propositions fusent et les participantes présentes partagent leurs idées :

  • Filmer une descente des marches à la Comédie, en référence à un film vu à la collection de l’Art Brut dans lequel un homme descend un escalier en riant. Les pieds et les jambes uniquement pourraient être filmés avec des habits, des chapeaux et différentes chaussures ;
  • Diffuser des images d’hommes et de femmes qui expriment diverses émotions – les émotions étant l’expression de notre humanité.
  • Enregistrer des rires de différentes personnes (enfants, adultes, etc.), car le rire est le propre de l’être humain ;
  • Intégrer des extraits sonores de chansons et de musiques instrumentales qui ont une signification pour certaines participantes ;
  • Intégrer des images d’un film tourné par une participante ;
  • Filmer une collection de livres « les enfants de la terre », une saga préhistorique pour montrer que ce qui fait notre humanité n’a pas changé depuis les premiers hommes ;
  • Filmer des figurines créées par une participante ;
  • Intégrer les photos qui ont déjà été transmises ;
  • Lire des extraits de poèmes de Jean-Pierre Siméon qui nous ont particulièrement touchées ;
  • Lire un extrait du livre sur l’œuvre de Marguerite Sir dont la « robe de mariée » est exposée à la collection de l’Art Brut ;
  • Utiliser des robes blanches comme écran sur lesquelles projeter des images.

Fabrice Aragno présente au groupe le plan technique de l’installation dans le foyer de la Comédie et on discute comment réaliser concrètement les idées évoquées pour l’installation collective.

RENCONTRE DU 23 FEVRIER : film Sonita de Rokhsareh Ghaem Maghami
Nous nous sommes donné rendez-vous un peu avant la projection, dans un café proche de l’Usine. Les participantes arrivent une à une, au gré de leurs disponibilités. Nous partageons un verre, sur fond de musique latine, tout en finalisant le texte de présentation de l’installation collective pour la Comédie, et en évoquant la rencontre de la veille.
Nous échangeons quelques mots sur le film du soir et nous dirigeons en direction de l’Usine pour rejoindre le cinéma Spoutnik. En chemin, certaines se remémorent les soirées passées dans ce haut lieu de la culture alternative genevoise, d’autres découvrent l’endroit. Sa cage d’escaliers habillée de graffitis nous fait palper en quelques secondes l’atmosphère du lieu : musique, fête, créativité. Ce condensé de vie colle aux baskets.
Les portes du Spoutnik s’ouvrent et le charme opère. Ce petit cinéma, cosy et presque privatif, nous accueille pour la projection du film Sonita. Fiction ou réalité ? C’est la question que plusieurs se posent dans la première partie du film. Lorsque la réalisatrice Rokhsareh Ghaem Maghami tourne la caméra vers elle, on comprend que le film est un documentaire sur la vie de Sonita, une jeune Afghane de 18 ans, émigrée en Iran, qui se bat pour faire du rap et vivre sa vie comme elle l’entend. On suit le parcours de la jeune femme au caractère fort et au grand désir de liberté, dans une société conservatrice, où il est coutume de vendre les filles en mariage, pour recevoir l’argent de la dot. Vêtue d’une robe de mariée, Sonita dénonce cette pratique dans un clip de rap qui a fait le tour du monde.
Cette histoire vraie et positive d’une jeune femme qui s’émancipe et défend ses droits face à sa famille et à la société dans laquelle elle vit touche fortement les participantes. On ne peut pas parler d’humanité sans évoquer sa défense lorsque les droits humains sont bafoués.
Florence Savioz & Iris Meierhans