Conférence de Chantal Jaquet le jeudi 19 octobre 2017

Une voix du Chœur qui tente, avec ce qu’elle porte, ce qu’elle comprend, ce qu’elle attend, de retranscrire ce qu’elle a entendu lors de ce premier échange au sein du Chœur Pylade :

Le Chœur :     

La classe sociale est basée sur les revenus.
On a des exemples de déclassement, autour de nous : artistes, malades psychiques.

Chantal Jaquet :

Ce n’est pas seulement le revenu qui détermine la classe.
La reproduction n’est pas une fatalité (il y a beaucoup de transclasses). Mais c’est en reconnaissant les déterminations sociales qu’on pourra les déjouer, et être un peu plus libres.
Les transclasses sont des révélateurs des inégalités sociales (car s’il y a classe, il y a inégalité). Ils et elles sont obligé-e-s de brasser des codes sociaux qui peuvent être contradictoires.
Les trajectoires doivent être vues comme situées dans un certain contexte, familial, économique et social, mais aussi dans des affects, des rencontres, plein de déterminations qui doivent être pensées ensemble pour les comprendre.

Le Chœur :

Quelle que soit notre classe d’origine ou notre classe actuelle, ni honte ni fierté, on s’accepte tel-le que l’on est.
Et aussi, on est multi-identitaires : on a des double-appartenances, ce sont des identités hybrides, provisoires… Le problème, c’est seulement les étiquettes ! (Qu’on nous colle ou qu’on colle malgré nous.)
« Les malades sont dans une non-classe, c’est injuste ! »


Schéma des parcours familiaux. Tout à gauche, d’où sont parti-e-s nos grands-parents, au milieu nos parents, tout à droite, nous. Ce n’est pas un schéma scientifique, c’est pour visualiser des trajectoires.

 


Les jolis mots : FIL

             le fil les fils

                           le fil les fils le fils le fil les fils le fil les fils le

fils le fil les fils le fil les fils le

fils le fil les fils le fil les fils le

fils le fil les fils le fil les fils le

fils le fil les fils le fil les fils le

fils le fil les fils le fil les fils le

fils le fil les

               fils le fil les fils le

   fils le fil les fils

le

fil

– les liens qui se nouent dans une existence

– « on est plein de fils », plein de déterminismes (citation de Chantal Jaquet)

– comment renouer les fils avec sa classe d’origine, sans avoir l’impression de trahir ?

– on est le fils, la fille, l’enfant de sa classe


 

Citation de Pylade, de Pier Paolo Pasolini, in Théâtre complet, Actes Sud (collection Babel), 1995 – p. 256

Pylade, au paysan :

« Et ainsi, pour la première fois de l’histoire,
je sais qu’il y a une différence entre les hommes :
mais à quoi cela me sert-il de le savoir ?
Il y a des hommes – comme moi – chez qui cette différence
reste ambigüe, indéchiffrable : ils
n’appartiennent à aucune des catégories humaines
venues finalement à la conscience ! »


DISCUSSION REINVENTEE par Alice : « LE CHŒUR PYLADE CHERCHE SA VOIX »

– Usurpatrice, tu parles au nom du Chœur Pylade ! Chantal Jaquet, elle ne m’a pas dit ça à moi, ce n’est pas ce que j’en retiens, ce sont tes filtres à toi.
– Mais moi aussi je fais partie du Chœur Pylade, ma parole constitue le chœur.
– Oui, et tu n’en es qu’une partie.
– Bien sûr, nous n’en sommes chacun-e qu’une partie, et nous sommes le chœur ensemble…
– … et c’est seulement ensemble que nous pouvons dire NOUS. Toi, tu es JE.
– Je ne peux pas dire seulement JE si je fais partie du chœur. Je n’y arrive pas ! Je suis déjà un être collectif, je suis prise dans le NOUS.
– Tu ne peux pas parler à ma place !
– Je parle à côté de toi, et moi je nous vois ensemble. C’est le NOUS qui m’intéresse, là où nous sommes devenu-e-s NOUS.
– Si tu dis NOUS, alors on doit être d’accord sur ce que NOUS disons ; toi tu dis ce que tu crois toi être NOUS.
– Parce que je ne crois pas avoir des idées à moi, seulement à moi, lorsqu’on discute dans le chœur…
– Et pourtant, si, c’est bien toi qui parle de ce que toi tu penses être NOUS.
– C’est vrai, c’est MOI. Et j’ai l’impression d’être usurpatrice si je m’attribue des pensées que le Chœur seul m’a permis de penser, au contraire.
– Le Chœur est un NOUS et des JE qui pensent ensemble. Avant de pouvoir dire « NOUS, le Chœur Pylade », on pourrait faire exister des JE dans le NOUS.
– Ce qui me plairait, c’est que le Chœur puisse exprimer des pensées diverses et contradictoires, qu’on se soutienne, découvre, inspire dans cet être collectif, dans l’action de penser ensemble.