Pompoko un film de Isao Takahata, 1994

Jeudi 27 mai 2021 à 20h au Zinéma de Lausanne (Rue du Maupas 4 à Lausanne)

Disparu en 2018, Isao Takahata est à juste titre considéré comme l’un des grands maîtres du dessin animé japonais (dites «anime»). Partenaire de longue date d’Hayao Miyazaki, il a fondé avec le réalisateur du Voyage de Chihiro les fameux studios Ghibli. On lui doit nombre de chefs-d’œuvre du genre, dont l’inoubliable et déchirant Tombeau des lucioles (1988), Qié, la petite peste (1981) ou encore le sublime Conte de la Princesse Kaguya (2013) qui constitue son dernier film. Au Japon, Takahata est surtout connu pour avoir réalisé Pompoko (1994) dont le succès dépassa celui du Roi Lion sorti à la même époque!

Cette pure merveille allégorique s’intitule plus précisément «La guerre des tanukis pompoko». En guise d’introduction, procédons à un petit cours de zoologie fabuleuse: les tanukis sont des espèces de ratons laveurs pourvus de testicules à usage multiple. Autre particularité, joyeux et fêtards, ils se plaisent à battre la mesure sur leur ventre rond comme un ballon, faisant entendre un «pompoko» caractéristique, d’où leur appellation. Hors de la vue des humains, ils apparaissent comme de gentils nounours, mais ils sont capables grâce à leur savoir ancestral (et une maîtrise consommée de l’art de l’animation) de métamorphoses infinies, tantôt dragons, tantôt esprits malins, voire bêtement humains, si les circonstances l’exigent…

De manière très symbolique, Takahata situe son récit en 1967, période de croissance à la puissance mille pour le Japon. Les hommes commencent à transformer de manière radicale leur environnement, bétonnant la forêt enchanteresse où vivent les tanukis. Ces derniers se doivent de réagir et se transforment en créatures chimériques pour aller effrayer la population urbaine. Nullement impressionné·es, citadins et citadines s’émerveillent au contraire de leur spectacle, au point que le directeur du parc d’attractions voisin s’évertue à s’attacher les services des tanukis.

Sans manichéisme, Takahata considère le problème de façon très sérieuse. Réunis en conclave, les tanukis se divisent sur la stratégie à adopter. Certains jouent aux kamikazes et meurent inutilement pour la cause. Résignés, d’autres se fabriquent vite fait un nirvana qu’ils rejoignent pour toujours, après avoir jeté un dernier regard sur leur monde en voie de disparition. La mort dans l’âme, les plus transformistes se résolvent à devenir humains pour intégrer de façon anonyme la société de leurs ennemis, se pliant à la plus morne des adaptations. Takahata laisse affleurer alors l’hypothèse que nous avons peut-être été tous et toutes des tanukis, sans le savoir!

Vincent Adatte