Retour à Reims
D’après Didier Eribon, mise en scène de Thomas Ostermeier au Théâtre Vidy-Lausanne
Dans un studio d’enregistrement, une actrice enregistre le commentaire d’un documentaire. Le réalisateur lui donne des instructions depuis la cabine de mixage. Le film, projeté en arrière-plan, défile au rythme des prises. C’est la version cinématographique de Retour à Reims, l’essai de Didier Eribon, mettant en scène l’auteur lui-même visitant sa mère et évoquant son enfance et son adolescence par un jeu d’archives et de réminiscences.
Dans son livre, Eribon mêle confessions et analyse sociologique pour réfléchir à ses retrouvailles avec sa ville natale et sa famille, qu’il n’a presque plus revues depuis qu’il s’en est éloigné pour poursuivre une carrière d’intellectuel à Paris. Cette confrontation avec son propre passé le renvoie aux angles morts de la société d’aujourd’hui : les mécanismes d’exclusion à l’œuvre dans les mêmes classes moyennes auxquelles il appartient désormais et la réalité d’une classe ouvrière auparavant communiste qui, oubliée et privée de ses droits, a rejoint la droite populiste et le Front National. Comment les choses sont-elles arrivées là ? Quelle est la responsabilité de la gauche ? Aurait-elle, comme l’intellectuel Eribon lui-même, renoncée à son passé ? Qui défend encore aujourd’hui le projet humaniste et progressiste ? Où et comment ont disparu les représentations de la classe ouvrière ? Et quelles sont les solutions ? Eribon poursuit ces questions dans ce film, partant à la recherche d’indices auprès de sa mère à Reims.
Au fur et à mesure du processus de finition du film, réalisateur et actrice s’interrogent à leur tour, se renvoyant les questions. Elles finissent par les troubler l’un et l’autre dans leur rapport à l’art, à leur statut social comme à leur histoire personnelle. Ils s’opposent bientôt – dans une discussion qui révèle leurs personnalités et leurs engagements.
Ma colombine
De Fabrice Melquiot, mis en scène et interprétation Omar Porras au Théâtre Kléber-Méleau
Ma Colombine est un solo écrit par Fabrice Melquiot pour Omar Porras inspiré de l’histoire de ce dernier, de la Colombie qu’il garde enfouie en lui, de bribes de vie cueillies depuis l’enfance et mises en touffes par un poète dont le regard travaille les mots du souvenir via l’étrangeté des rêves…
Fabrice Melquiot a découvert le travail d’Omar Porras en 2001 avec Ay ! QuiXote, au Théâtre de la Ville de Paris et en est sorti durablement marqué. En 2012, il devient le directeur du Théâtre Am Stram Gram, à Genève, et le voici en conversation régulière avec l’artiste dont l’ancrage sur le territoire suisse romand est déjà ancien, tant et si bien qu’un désir de plateau partagé s’est mis à sourdre peu à peu. Puis a eu lieu un voyage en Colombie, sur les hauteurs de la Cordillère des Andes et jusqu’aux paradis engouffrés dans la guerre…
De l’histoire d’un homme est né poco a poco un conte, peut-être philosophique, où il n’y a pas de frontière, où l’on saute à la perche au-dessus de l’océan, où l’on parle à la lune, où naissent des visions.
Ma Colombine est une traversée du miroir d’Alice, où l’artiste a le nom de ses ancêtres indigènes et de ses rêves, au cœur des métamorphoses.